Après cinq mois de cauchemars éveillés et des semaines d’efforts obstinés pour redonner vie à une compagnie laissée en condition de mort apparente, cette saison 2 du confinement marque un nouveau coup dur. Mais contrairement aux premiers épisodes d’une pandémie faisant tomber sur l’art et la culture une ombre écrasante, cette fois, bénissons le ciel et tous les Dieux, car bien que décrétée non-essentielle, pour ne pas dire inutile, la pratique de la danse en milieu professionnel étroitement sécurisé n’est plus « au rang des péchés mortels » aurait dit Paul-Louis Courrier, auteur en 1822 d’une Pétition pour des villageois qu’on empêche de danser. Heureux effet de cette liberté formelle, en attendant le rétablissement des cérémonies culturelles publiques, nos studios tiennent lieux d’espoir et de consolation. À preuve, malgré la fermeture des fleuristes, Martin Harriague, artiste associé au Malandain Ballet Biarritz y sème actuellement les graines d’un Sacre du printemps prévu dans le courant de l’automne prochain. Pour sûr, les bonnes gens diront qu’il y a quelque chose de dérangé là-haut et qu’il n’y a plus de saisons, mais il y a aussi d’habiles jardiniers capables de forcer la nature et d’opérer les fécondations avec discernement. Quant à moi, j’aligne des pas qu’on ébourgeonnera mi-avril à Biarritz et San Sebastián. Personne ne les ayant commandés, entre colère et désarroi, j’ai choisi la Sinfonia pour huit voix et orchestre de Luciano Berio, créée à New York en 1968. Année des plus turbulentes aux États-Unis et en France, où « vivre sans contraintes et jouir sans entraves » devait devenir les seules règles. « Dire cela, sans savoir quoi » : dans un enchevêtrement de références musicales et textuelles, Luciano Berio, cite Samuel Becket. « Comment faire, comment vais-je faire, que dois-je faire, dans la situation où je suis, comment procéder ? » écrit encore l’auteur de l’Innommable. Réponse en avril, si nous ne perdons pas le fil et retrouvons le droit de vivre et de danser sans limites.
Thierry Malandain
Thierry Malandain crée un nouveau ballet sur la musique de Sinfonia de Luciano Berio dont la Première est prévue les 9 et 10 avril 2021 au Teatro Victoria Eugenia de Donostia/San Sebastián (Espagne) dans le cadre du projet Ballet T. Ce nouveau ballet viendra compléter le programme « Mozart à 2 et Boléro ». Il sera ensuite présenté à Biarritz les 8 et 9 mai 2021 pendant les « Rendez-vous sur le quai de la Gare ».
© Olivier Houeix Photographe
Contrairement aux représentations publiques, les interventions en milieu scolaire peuvent être maintenues. Les activités de médiation et sensibilisation du Ballet ont débuté fin novembre auprès du groupe Scolaire – Sainte Famille d’Urquijo à St Jean-de-Luz (64), à l’occasion d’un parcours culturel de 18 heures mis en place par la Communauté Pays Basque. Ione Miren Aguirre, artiste chorégraphique, interviendra ensuite au Collège La Hourquie de Morlaàs (64), où un projet de 50 heures est développé tout au long de l’année scolaire, dans le cadre du dispositif « Grandir avec la Culture » du Conseil Départemental des Pyrénées-Atlantiques.
Le Malandain Ballet Biarritz sera en représentation ce week-end au Centre Cultural Terrassa avec les ballets Sirènes de Martin Harriague, artiste associé au CCN Malandain Ballet Biarritz, Beethoven 6 et Nocturnes de Thierry Malandain.
Retrouvez La Pastorale de Thierry Malandain sur Mezzo Live durant ce mois de novembre et jusqu'au 3 décembre.